BIENVENUE SUR LE SITE DE PHILIPPE DANVIN, AUTEUR DRAMATIQUE

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UN SEUL DECOR : une terrasse

Dans le fond la façade arrière d’une maison. Une porte est visible. Deux accès latéraux : l’un côté cour, l’autre côté jardin.

Côté jardin : un barbecue et un salon de jardin.

 Côté cour : un banc et un transat  Revenir à la pièce

 SCENE 1: MARC, ADELE, CHLOE et VIOLETTE

 (Au lever du rideau, Marc est occupé, côté jardin, à peindre une toile posée sur un chevalet. Son portable sonne.)

MARC (répondant) – Allô ? Non, toujours rien…Pas de trace du corps, non…Comment veux-tu que je sache ce qui s’est passé ?…Non, il avait simplement fait deux week-end de voile en Méditerranée. Je ne sais pas ce qui lui a pris de vouloir traverser l’Atlantique en solitaire… Oui, je te tiens au courant. Salut ! (Il coupe.) L’Atlantique en solitaire…Si on m’avait dit un jour qu’il ferait du bateau, celui-là !

ADELE (arrivant par le fond côté jardin et tenant un sac) – C’était qui ?

MARC – Qui veux-tu que ce soit ? Un ami de Luc qui vient aux nouvelles.

ADELE (posant son sac sur la table) – Tu crois qu’on va le retrouver ?

MARC – J’espère bien que non.

ADELE – C’est ton frère tout de même.

MARC – Un frère, oui, mais un moralisateur, attaché aux grandes valeurs : amour, famille, patrie. Bref, un frère de la pire espèce.

ADELE – Il vous a quand même élevés tous les trois.

MARC – Se consacrer à ses trois frères plus jeunes, on peut dire qu’il avait le sens du sacrifice.

ADELE – Mais c’est vrai qu’il était envahissant.

MARC (regardant dans le sac) – Toujours mettre son nez dans nos affaires, comme si son statut de frère aîné lui en donnait le droit.

ADELE – Nous risquons d’être tranquilles, à présent, définitivement tranquilles.

MARC (en ressortant un journal) – Cette histoire de traversée de l’Atlantique, c’est quand même bizarre pour quelqu’un qui n’avait pas la passion de la mer.

ADELE – Tu crois que ça cache quelque chose ?

MARC – Je ne sais pas.

(Chloé et Violette rentrent à l’avant-scène, côté cour.)

CHLOE – Nous nous sommes faufilées par le jardin.

ADELE – J’avais remarqué, merci.

VIOLETTE – Nous ne faisons que passer. Toujours rien ?

CHLOE – Il avait beau être casse-pieds, ça me remue cette disparition.

MARC – Toujours rien, non. (Il s’assied et ouvre le journal.)

VIOLETTE – S’il est mort et qu’on ne retrouve pas le corps, qu’est-ce qui se passera pour l’héritage ?

CHLOE – Violette, enfin, il vient à peine de disparaître !

VIOLETTE – Ne me dis pas que tu n’y as pas pensé.

CHLOE – Si, j’avoue. (Puis à Marc.) Tu crois qu’il avait beaucoup d’argent ?

MARC – ça m’étonnerait. Il s’est occupé de nous très longtemps, ça a dû lui coûter un os.

ADELE – Croisons néanmoins les doigts.

MARC – Que deviennent mes deux frères ?

CHLOE – Ils viennent de rentrer de la pêche.

VIOLETTE – La pêche aux bonnes affaires.

MARC – Bande d’escrocs ! (Il sourit.)

ADELE – Tu peux parler. C’est toi qui les a entraînés.

MARC – Je n’ai pas dû les pousser beaucoup.

VIOLETTE – Heureusement que ça nous vaut quelques belles rentrées financières. A présent, il nous en faudrait une toute grosse, une exceptionnelle.

CHLOE – Genre héritage, c’est ça ?

ADELE – ça ferait plaisir mais apparemment le frère aîné n’était pas un oncle d’Amérique.

VIOLETTE – Alors, Chloé, nous allons faire cette petite course ?

CHLOE – Nous y allons, oui.

VIOLETTE (désignant le fond côté jardin) – Nous pouvons passer par là ? C’est plus court.

ADELE – Comme si vous n’en aviez pas l’habitude.

CHLOE – A tout à l’heure, les amoureux !

ADELE – Bye ! (Elles sortent par le fond côté jardin.) Tu espères trouver des nouvelles de Luc dans le journal ?

MARC – Qui sait ? Rubrique sportive…Voile…Non, rien.

ADELE – Alors, je mets les…voiles. (Elle sourit et sort par le fond, côté cour.)

MARC – C’est ça, va me préparer un bon petit plat.

 

SCENE 2: MARC,  BŒUF et ADELE 

BŒUF (arrivant à l’avant-scène côté cour, élégamment vêtu et porteur d’un attaché-case) – Veuillez m’excuser mais j’ai sonné longtemps puis je me suis décidé à faire le tour. Monsieur Leroy ?

MARC – Lui-même.

BŒUF – Monsieur Marc Leroy ?

MARC – Marc Leroy, oui.

BOEUF – Vous permettez ?

MARC – A qui ai-je l’honneur ?

BŒUF – Maître Bœuf, Denis Bœuf, notaire à Paris.

MARC – Eh bien, rentrez, maître…Bœuf. (Il sourit.)

BŒUF – Oui, je sais, cela doit vous faire un effet… bœuf. Moi qui l’endure depuis ma prime jeunesse, je trouve cela lassant.

MARC – Que puis-je faire pour vous ?

BŒUF – C’est au sujet de votre frère.

MARC – Mon frère. Lequel ?

BŒUF – C’est juste, vous en avez trois. Je suis envoyé par Luc…mais je ne peux parler qu’en présence des deux autres.

MARC (qui n’a pas bien saisi) – Les deux autres ?

BŒUF – Vos deux autres frères. Vous habitez bien des maisons voisines ?

MARC – Heu…oui, mais comment êtes-vous au courant ?

BŒUF – Je suis…peut-être dois-je dire j’étais ?…J’étais un ami de Luc, votre autre frère. Vous me suivez ?

MARC – Oui…oui…Veuillez m’excuser mais je suis un peu bouleversé par…

BŒUF – Sa disparition ?

MARC – Oui…Mais vous êtes visiblement au courant…Pourriez-vous m’expliquer de quoi il retourne ?

BŒUF – Oui mais en présence de vos frères seulement.

MARC – Décidément.

BŒUF – Veuillez les appeler. S’ils sont chez eux, ils ne tarderont pas.

MARC – Bien. Vous permettez ? Je vais envoyer ma femme.

BŒUF (solennel) – Faites.

MARC (surpris) – Alors, je fais. (Il se dirige vers le fond, côté cour.) Adèle, pourrais-tu venir une seconde ?

ADELE (en voix off) – Je suis à toi dans une petite minute.

BŒUF – Pourvu que nous n’attendions pas une heure !

MARC – Je vous demande pardon ?

BŒUF – Il semble y avoir une gradation dans vos propos : venir une seconde, être à vous dans une petite minute…

MARC (en l’observant bizarrement) – Une gradation dans nos propos…une gradation !

BŒUF – Si vous voulez, je peux vous expliquer le sens de ce mot.

MARC – Non, je crois que je sais de quoi il s’agit et au besoin, figurez-vous que je dois pouvoir remettre la main sur un dictionnaire.

ADELE (surgissant côté cour) – Me voilà !

MARC – Ouf ! nous avons failli attendre un siècle, que dis-je ? une éternité.

ADELE – Je ne te connaissais pas ces dons pour la poésie.

MARC – Je poursuivais simplement mon idée, j’y mettais une gra-da-tion.

BŒUF – Vous apprenez vite.

ADELE (à Marc) – Une gradation ? Enfin, soit ! Mais tu ne me présentes pas ?

MARC – Adèle, ma femme…Non, mon épouse, il y a une gra-da-tion.

BŒUF – Enchanté, madame, j’ai beaucoup entendu parler de vous.

ADELE – Tiens donc ! (Puis regardant Marc.) Mon mari n’a pas l’habitude de parler de moi pourtant.

BŒUF – Si j’ai entendu parler de vous, madame, c’est par Luc, votre beau-frère. Il n’a pas tari d’éloges à votre égard.

ADELE – « Tari d’éloges », comme vous savez parler aux femmes !…Monsieur ?

BŒUF – Bœuf, maître Bœuf !

ADELE (amusée) – Maître… heu…Comment avez-vous dit ?

MARC – Il a dit Bœuf. Tu te sers d’un mètre ruban, eh bien lui, c’est Bœuf, maître Bœuf !

BŒUF – Un mètre ruban ?…Soit, je ne suis pas venu pour polémiquer.

MARC – Polémiquer ? Quand je disais qu’il me faudrait remettre la main sur un dictionnaire.

BŒUF (à Adèle) – Maître Bœuf, notaire, je suis ici pour vous parler ainsi qu’à votre mari et ses frères de Luc, feu votre beau-frère.

ADELE (surprise) – Feu mon beau-frère ?

MARC – Veuillez l’excuser, maître Bœuf, nous sommes à la campagne. (Puis à Adèle.) Monsieur le notaire veut sans doute dire que Luc, mon frère, est mort.

ADELE – On a retrouvé le corps ?

BŒUF – Je ne parlerai qu’en présence…

ADELE – De votre avocat ?

BŒUF (agacé) – Madame, veuillez aller chercher vos beaux-frères, s’il vous plaît.

ADELE – Vous voulez dire ceux qui sont encore en vie ?

BŒUF (perdant patience) – Madame, s’il vous plaît…

MARC – Mais il lui plaît, Maître, il lui plaît. (Puis à Adèle.) Va chercher Yves et Michel, s’il te plaît.

ADELE – Mais il me plaît, il me plaît. (Elle sort à l’avant-scène, côté cour.)

BŒUF – Ce n’est pas trop tôt.

MARC – Il faut l’excuser, ce n’est qu’une femme.

BŒUF – Ne seriez-vous pas misogyne ?

MARC – Miso… ?

BŒUF – Misogyne. Ignorez-vous le sens de ce mot ?

MARC – Pas du tout, Maître, pas du tout. Je n’ignore pas, je sais.

BŒUF – Eh bien, sachez alors, sachez.

MARC – Je sache, Maître, je sache.

BŒUF (en aparté) – Mon Dieu ! Où suis-je tombé ?

MARC – Puis-je vous offrir un petit remontant, Maître ?

BŒUF – Non, merci.

MARC – Vous direz merci après l’avoir pris.

BŒUF – Je salue votre intention, monsieur. Elle s’avère très louable mais le devoir qui m’incombe requière la sobriété.

MARC – Heu…Vous ne pourriez pas me redire tout ça en français ?

BŒUF – Je n’ai pourtant pas eu l’impression de m’adresser à vous dans une langue étrangère. Bien. Comment dire ? J’accepterai volontiers un verre quand je vous aurai exposé le motif de ma visite.

MARC – Voilà qui est mieux. Mais rassurez-vous, j’avais bien compris.

BŒUF – Je n’en ai jamais douté.

MARC (avec emphase) – Mais je m’aperçois que je manque à tous mes devoirs. J’avais omis de vous inviter à vous asseoir. Faites donc.

BŒUF – Je vous remercie. (Il s’assoit.)

MARC – Alors comme ça, on est notaire.

BŒUF – Telle est ma profession, en effet.

MARC – Telle est votre profession. (Puis en aparté.) ça continue !

BŒUF – Vous vivez à la campagne, le cadre est agréable.

MARC – Le cadre est agréable ?… Le cadre est agréable ?… (Il s’est déplacé jusqu’à son chevalet et montre sa toile, affreuse. Le notaire a une mimique éloquente.) Vous voulez sans doute parler de celui-ci ? Je viens de le terminer. Je peins depuis une dizaine d’années en amateur. Et de mieux en mieux si j’en crois les avis qu’on me donne.

BŒUF – Je ne mets pas en doute votre talent mais je voulais dire qu’à la campagne, le cadre, donc le décor, le paysage est agréable.

MARC – Ah oui ! veuillez m’excuser, le cadre est agréable à la campagne.

BŒUF – Et beaucoup plus sain, loin de la pollution que connaissent les villes. Pas de problème de smog, je suppose ?

MARC – Pas de…phoques, non. Pas d’otaries non plus d’ailleurs.

BŒUF (après un temps) – Je parlais du smog, le brouillard de pollution, si vous voulez.

MARC – Je veux, je veux enfin je préfère. 

BŒUF (ironique) – Parlons français, en effet, cela évitera les malentendus.

(Adèle revient par l’avant-scène, côté cour. Michel et Yves la suivent.)

 

SCENE 3: MARC,  BŒUF, ADELE, YVES et MICHEL

 ADELE – Voilà les deux beaux-frères.

YVES – Enfin, beaux, ce n’est qu’une façon de parler.

MARC – Heu…Yves, ce n’est pas le moment.

YVES – Voilà donc maître Bœuf, celui qui nous prépare un coup vache. (Il rit.)

MICHEL – Veuillez l’excuser, Maître. Il n’arrive jamais à garder son sérieux.

BŒUF – Même dans les circonstances graves, apparemment.

MICHEL – Enchanté de faire votre connaissance. (Il lui serre la main.)

ADELE – Si vous avez besoin de moi, je suis à la cuisine. (Elle sort par le fond, côté cour.)

YVES – J’ai de l’esprit, pardonnez-moi.

BŒUF – De l’esprit ? Un petit esprit ! Quant au pardon, nous aviserons.

YVES – Nous aviserons ?

BŒUF – Nous verrons, si vous préférez.

YVES – J’avais compris. Sans rancune, Maître, enchanté. (Il lui tend la main mais Bœuf se détourne .)

BŒUF – Sans rancune, comme vous dites et sans acrimonie.

MICHEL – Sans acrimonie ?

MARC – Maître Bœuf nous donne un cours de vocabulaire et de gradation.

BŒUF – Un cours ne se donne pas, il se dispense. Mais tel n’est pas l’objet de ma visite, venons-en aux choses sérieuses.

YVES – Nous vous ouïssons, Maître, nous vous ouïssons. (Il rit.)

BŒUF – C’est cela, ouïssez-moi, car cela vaut la peine d’être écouté et bien entendu.

YVES – Pour qu’il n’y ait pas de malentendu, c’est ça ? (Il rit.)

MICHEL – Yves, si tu pouvais faire un effort.

(Le notaire ouvre son attaché-case et en sort des documents dont une lettre qu’il ouvre.)

BŒUF – « Ceci est mon testament ou presque ». Je cite, j’avais omis de vous préciser qu’il s’agissait d’une lettre de Luc, votre frère.

MARC – Nous avions compris, Maître.

YVES – Oui, nous n’avions pas omis de comprendre.

MICHEL – Du sérieux, Yves, du sérieux.

BŒUF (lisant) – Mes biens chers frères…

YVES – Voilà l’évangile selon saint Luc.

MARC – Yves, ça suffit !

MICHEL – Que va penser de nous maître Bœuf ?

BŒUF – Je me suis déjà forgé une opinion.

MARC – Forgé une opinion ? ça recommence.

YVES – Et moi, c’est en forgeant que je deviens forgeron ! (Il rit.)

MARC – Toi, tu ferais mieux de te taire.

YVES – Un saint, je voulais dire que Luc était un saint.

BŒUF (irrité) – Si vous le permettez, je désirerais poursuivre.

MARC (avec emphase) – Faites !

BŒUF (lisant) – Mes biens chers frères, j’imagine déjà Yves faire une remarque humoristique désobligeante, puisque je commence à la manière des évangiles…

MICHEL (à Yves) – Il ne t’a pas raté. (Puis à Bœuf.) Pardon.

YVES – Reprenez, Maître.

BŒUF (poursuivant sa lecture) – Il y a six mois environ, j’ai vu ma vie bouleversée par deux événements, l’un négatif, l’autre positif…

YVES – Commencez par la bonne nouvelle, Maître.

BŒUF – Je ne choisis pas : je lis ou plutôt j’essaie de lire et vous, à présent, vous m’écoutez sans plus m’interrompre.

MARC – Reprenez, Maître.

(Chloé et Violette font leur rentrée côté cour à l’avant-scène.)